L’usufruit est un concept juridique fondamental en matière immobilière, souvent méconnu du grand public. Pourtant, cette notion intervient fréquemment dans les stratégies de transmission patrimoniale, les donations et les investissements immobiliers. Comprendre le fonctionnement de l’usufruit permet d’optimiser la gestion de son patrimoine et d’anticiper sereinement sa transmission.
Qu’est-ce que l’usufruit ?
L’usufruit est le droit d’utiliser un bien immobilier et d’en percevoir les revenus, sans en être le propriétaire. Il constitue l’un des trois attributs du droit de propriété, aux côtés de la nue-propriété (droit de disposer du bien) et de l’abusus (droit de détruire ou transformer).
Lorsqu’un bien fait l’objet d’un démembrement de propriété, il est partagé entre deux personnes :
- L’usufruitier, qui détient l’usus (droit d’usage) et le fructus (droit de percevoir les fruits et revenus)
- Le nu-propriétaire, qui conserve l’abusus (droit de disposer du bien à terme)
Cette division temporaire du droit de propriété crée une situation juridique particulière où ni l’un ni l’autre ne dispose de la pleine propriété du bien. L’usufruit prend fin dans des conditions déterminées, permettant alors au nu-propriétaire de récupérer automatiquement la pleine propriété.
Les droits de l’usufruitier

Le droit d’usage et d’habitation
L’usufruitier dispose du droit d’occuper personnellement le bien immobilier comme s’il en était propriétaire. Il peut y habiter en toute liberté, l’aménager selon ses besoins et en jouir pleinement, sans avoir à demander l’autorisation du nu-propriétaire.
Ce droit d’usage s’exerce dans le respect de la destination du bien. L’usufruitier ne peut pas modifier fondamentalement la nature du bien (transformer un logement en local commercial, par exemple) sans l’accord du nu-propriétaire.
Le droit de percevoir les revenus
L’usufruitier bénéficie du droit aux fruits, c’est-à-dire qu’il perçoit tous les revenus générés par le bien. S’il s’agit d’un bien locatif, les loyers lui reviennent intégralement. Il encaisse également les éventuels revenus annexes : stationnement, caves louées séparément, antennes installées sur le toit.
Cette prérogative fait de l’usufruit un outil d’investissement intéressant, notamment pour les personnes cherchant à générer des revenus complémentaires sans mobiliser l’intégralité du capital nécessaire à l’achat en pleine propriété.
Le droit de louer le bien
L’usufruitier peut mettre le bien en location et percevoir les loyers, sans partage avec le nu-propriétaire. Il choisit librement ses locataires, fixe le montant du loyer dans le respect des règles d’encadrement le cas échéant, et gère la relation locative.
Toutefois, il doit respecter certaines limites : la durée du bail ne peut excéder la durée prévisible de l’usufruit, et il ne peut consentir de baux commerciaux de longue durée sans l’accord du nu-propriétaire. Pour accéder à plus d’infos, cliquez ici.
Les obligations de l’usufruitier
Entretien courant et réparations
L’usufruitier supporte les charges d’entretien courant et les réparations d’entretien du bien. Il doit maintenir le bien en bon état, effectuer les petites réparations nécessaires et assurer son entretien régulier.
Cette obligation implique le paiement des charges de copropriété courantes, des frais de chauffage, d’électricité, d’eau, et des petites réparations (robinetterie, peinture, revêtements).
Paiement des taxes et impôts
L’usufruitier doit s’acquitter de la taxe foncière sur le bien, car cette taxe est liée à la jouissance du bien plutôt qu’à sa propriété. En revanche, si le bien est loué, c’est le locataire qui paie la taxe d’habitation ou la taxe sur les logements vacants ne s’applique pas.
L’usufruitier déclare également les revenus locatifs éventuels dans sa déclaration d’impôts et paie l’imposition correspondante.
Respect de la substance du bien
L’usufruitier doit user du bien en bon père de famille, c’est-à-dire avec soin et prudence. Il ne peut accomplir d’actes qui diminueraient la valeur du bien ou modifieraient substantiellement sa nature. Les grosses réparations (toiture, murs porteurs, ravalement) restent à la charge du nu-propriétaire.
Les droits du nu-propriétaire
Bien que le nu-propriétaire ne puisse ni occuper ni percevoir les revenus du bien pendant la durée de l’usufruit, il conserve des prérogatives importantes.
Il dispose du droit de disposer de sa nue-propriété : il peut la vendre, la donner ou la léguer. En cas de vente, l’acquéreur devient nu-propriétaire à sa place, l’usufruit demeurant inchangé.
Le nu-propriétaire doit être consulté pour toute décision importante concernant le bien : travaux majeurs, vente en pleine propriété (nécessitant l’accord des deux parties), modification substantielle du bien.
La durée et l’extinction de l’usufruit
Usufruit viager
L’usufruit viager est la forme la plus courante. Il dure jusqu’au décès de l’usufruitier. À ce moment, la nue-propriété et l’usufruit se rejoignent automatiquement : le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans formalité ni frais supplémentaires.
Cette caractéristique fait de l’usufruit viager un excellent outil de transmission, permettant à un parent de conserver la jouissance d’un bien tout en en transmettant progressivement la propriété à ses enfants avec des avantages fiscaux significatifs.
Usufruit temporaire
L’usufruit temporaire est établi pour une durée déterminée (10 ans, 15 ans, 20 ans, etc.). À l’échéance, le nu-propriétaire récupère automatiquement la pleine propriété. Ce type d’usufruit est souvent utilisé dans les stratégies d’investissement ou les montages patrimoniaux complexes.
Autres causes d’extinction
L’usufruit peut également prendre fin dans d’autres circonstances :
- La réunion de l’usufruit et de la nue-propriété sur la même tête (rachat de l’un par l’autre)
- Le non-usage du bien pendant 30 ans
- La perte totale du bien (destruction, expropriation)
- La renonciation volontaire de l’usufruitier
Les applications pratiques de l’usufruit
Donation avec réserve d’usufruit
La donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit est l’utilisation la plus fréquente. Un parent transmet la nue-propriété de son bien à ses enfants tout en conservant l’usufruit à vie. Cette opération permet de :
- Réduire significativement les droits de donation (calculés sur la seule nue-propriété)
- Organiser sa succession de son vivant
- Continuer à vivre dans le bien ou à en percevoir les revenus
Investissement en démembrement
L’achat de la nue-propriété d’un bien permet d’investir avec une décote de 30 à 50% par rapport au prix en pleine propriété. L’investisseur récupère la pleine propriété à terme, sans charges ni gestion pendant la période de démembrement.
L’usufruit immobilier est un mécanisme juridique sophistiqué offrant des possibilités nombreuses en matière de gestion patrimoniale et de transmission. Comprendre ses subtilités permet d’exploiter pleinement ses avantages tout en respectant les droits et obligations de chaque partie. Avant toute opération impliquant un démembrement, il est vivement recommandé de consulter un notaire ou un conseiller en gestion de patrimoine pour sécuriser juridiquement et fiscalement votre projet.