La réforme du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), entrée en vigueur en juillet 2021, continue de susciter de vifs débats dans le secteur immobilier. Entre propriétaires inquiets, locataires en attente d’amélioration, et professionnels confrontés à de nouvelles contraintes, ce bouleversement réglementaire redessine profondément le marché de l’immobilier français.
Un nouveau DPE opposable et contraignant
Le nouveau DPE marque une rupture majeure avec l’ancienne version. Désormais opposable juridiquement, il ne constitue plus une simple information mais un document contractuel dont les erreurs peuvent engager la responsabilité du vendeur ou du bailleur. Cette opposabilité permet aux acquéreurs ou locataires de se retourner contre le propriétaire en cas d’informations erronées.
La nouvelle méthode de calcul, dite « 3CL« , se veut plus fiable et homogène. Elle prend en compte les caractéristiques physiques du logement (isolation, système de chauffage, ventilation) plutôt que les factures énergétiques, jugées trop variables selon les occupants. Le classement énergétique va de A (très performant) à G (passoire thermique), avec des seuils redéfinis qui ont rebattu les cartes.
Cette réforme s’inscrit dans la lutte contre les passoires énergétiques, ces logements classés F ou G qui représentent environ 17% du parc immobilier français. L’objectif gouvernemental est clair : interdire progressivement leur location pour inciter à la rénovation énergétique massive du parc immobilier.
Des propriétaires pris de court

Les propriétaires bailleurs se retrouvent au cœur de la tourmente. Depuis 2023, les logements les plus énergivores (classe G+) ne peuvent plus être mis en location. En 2025, c’est l’ensemble des logements classés G qui seront concernés, suivis des F en 2028 et des E en 2034.
Ces échéances créent une pression financière considérable sur les propriétaires, contraints d’engager des travaux de rénovation souvent coûteux. Pour un logement ancien mal isolé, la facture peut facilement atteindre 30 000 à 50 000 euros, voire davantage. Tous les propriétaires n’ont pas les moyens de financer ces investissements, même avec les aides publiques disponibles.
La dévaluation immobilière constitue un autre sujet d’inquiétude. Les biens mal classés voient leur valeur chuter de 10 à 30% selon les estimations, pénalisant particulièrement les petits propriétaires qui comptaient sur leur bien pour compléter leur retraite. Certains se retrouvent ainsi propriétaires de biens invendables ou difficilement louables.
Les organisations de propriétaires dénoncent une réforme trop brutale, inadaptée au parc immobilier ancien, particulièrement dans les centres historiques où les contraintes architecturales limitent les possibilités d’isolation. Ils réclament des délais supplémentaires et un accompagnement financier renforcé. Cliquez ici pour obtenir toutes les informations.
Des locataires partagés entre espoir et inquiétude
Pour les locataires, la réforme du DPE semble a priori favorable. L’amélioration de la performance énergétique des logements promet des factures d’énergie réduites et un meilleur confort thermique. Les passoires énergétiques sont souvent synonymes d’humidité, de froid l’hiver et de chaleur excessive l’été.
Le gel des loyers pour les passoires énergétiques, effectif depuis août 2022, constitue également une avancée. Les propriétaires de logements F et G ne peuvent plus augmenter les loyers lors d’un changement de locataire ou d’une révision annuelle, limitant ainsi l’inflation locative sur ces biens dégradés.
Cependant, l’envers du décor inquiète. La raréfaction de l’offre locative dans les segments les moins chers du marché pourrait aggraver la crise du logement. Les propriétaires qui ne peuvent ou ne veulent pas investir dans la rénovation préfèrent souvent vendre, réduisant mécaniquement le parc locatif accessible aux ménages modestes.
Le risque est réel de voir des locataires expulsés de leur logement non conforme, sans solution de relogement à prix équivalent. Dans les zones tendues, cette situation pourrait créer une précarité énergétique paradoxale, où la recherche d’amélioration du confort aboutit à l’exclusion des plus fragiles.
Les professionnels face aux défis techniques
Les diagnostiqueurs immobiliers sont en première ligne de cette réforme. La nouvelle méthode de calcul, plus complexe, nécessite une formation approfondie et des outils informatiques performants. Les erreurs de diagnostic se sont multipliées au début, obligeant l’administration à corriger les algorithmes et à autoriser des DPE rectificatifs.
La responsabilité accrue des diagnostiqueurs, avec l’opposabilité du DPE, a entraîné une augmentation des tarifs et des exigences d’assurance. Certains professionnels ont quitté le secteur, créant des tensions sur les délais pour obtenir un diagnostic, particulièrement lors des pics d’activité immobilière.
Les artisans du bâtiment font face à une explosion de la demande en travaux de rénovation énergétique. Les délais d’intervention s’allongent, et les prix augmentent mécaniquement. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans certains corps de métier (isolation, pompes à chaleur) freine la massification des rénovations.
Vers un compromis nécessaire
Face à ces tensions, un assouplissement de la réforme semble inévitable. Plusieurs pistes sont évoquées : rallongement des délais d’interdiction de location, renforcement des aides financières ciblées sur les ménages modestes, simplification administrative des demandes de subventions.
L’accompagnement des propriétaires par des guichets uniques de la rénovation énergétique se développe progressivement. Ces structures proposent un parcours simplifié, du diagnostic initial jusqu’à la réalisation des travaux, facilitant l’accès aux différentes aides : MaPrimeRénov’, éco-PTZ, certificats d’économie d’énergie.
La réforme du DPE, malgré ses imperfections, représente un levier essentiel pour la transition énergétique du parc immobilier français. Le défi consiste désormais à concilier ambition environnementale et réalités économiques et sociales, pour une transformation progressive et juste du logement.